GILLES CAVAILLÉ CHASSEUR DE TRÉSORS
La maison appartenait à un couple né dans les années 1920. Une maison de village de la Haute-Saône, où l'hiver est rude et où les gens peuvent être bourrus quelquefois. C'est du moins l'impression que j'ai eu, quand elle me racontait son père et sa mère durant les quatre heures de route pour s'y rendre. Le père était menuisier, la mère tenait un commerce dans la bourgade voisine et elle avait hérité de la maison où son père était forgeron. L'histoire remonte plus loin : la maison a été achetée par l'arrière-grand-père de la dame qui me plongeait dans ses souvenirs. Une maison du XVIIIe siècle, traditionnellement occupée par des artisans et des commerçants, ceux qui encaissent de l'argent à demeure...
Peu de temps avant de décéder, sa mère lui a révélé l'emplacement d'une cache en or. Une petite centaine de “ Louis ” comme disent les anciens pour nommer la 20 F or boursable. Son père et sa mère avaient beau vivre ensemble, ils ne partageaient pas leur revenus et l'ambiance était plutôt à la défiance l'un envers l'autre... Le père est mort comme il a vécu, sans se préoccuper de ses deux filles et sans savoir que sa femme avait ce petit magot...
C'est pour toutes ces raisons que j'ai fait une entorse à mes habitudes : sans histoire de trésor avéré, je ne me déplace pas sans une somme fixe perçue d'avance, que je trouve quelque chose ou pas. Mais la dame est avenante (on n'en reste pas moins gentleman...), elle ne roule pas sur l'or et son histoire est malgré tout intéressante, de plus la maison est vide maintenant car les soeurs ont négocié avec un brocanteur pour tout enlever. Allez, c'est conclu !
Je découvre la propriété par un beau matin du mois d'août. On rentre par le garage en sol de terre battue qui, sur la gauche donne contre la forge, la porte en face va sur le jardin privatif qui permet d'accéder aussi à la maison par une petite porte en bois. La porte principale de la demeure est dans la rue. C'est une vieille maison et cet accès principal sur la rue est dangereux, en effet il n'y a aucun trottoir car la maison déborde de l'axe de la route et cause un rétrécissement de cette dernière. Je suis effaré de penser que des gens vivaient là, mangeaient là et dormaient simplement séparés par des moellons de pierres formant un mur d'une quarantaine de centimètres, seuls remparts contre les passages de véhicules et autres camions forcément bruyants de l'autre côté... Les pièces sont petites, tarabiscotées, héritage des réfections superposées au fil des décennies. Elle comporte deux étages, avec des sols en parquet et tomettes, cheminée dans chaque chambre, papiers peints floraux jaunis et grands greniers avec belles charpentes.
La dame m'explique qu'elle n'était pas d'accord avec sa soeur qui insistait pour vider très vite la maison et vendre. Mais sa soeur avait des besoins financiers et elle s'est rangée à contrecoeur à sa proposition. Résultat : un brocanteur est venu et a négocié le vidage de la maison pour 1900 €. Entendons-nous bien, les soeurs ont vendu tout ce qui pouvait s'emporter pour 1900 € ! Et elle me détaille l'état de la maison avant le passage du broc. Ici à l'étage, on ne pouvait pas passer, tellement il y avait des entassements de meubles et de malles pleins à craquer, « mes parents étaient de la génération où on ne jette rien. Toutes les pièces étaient encombrées car ils ne vivaient plus ici, ils ne venaient que le dimanche. Il y avait encore des effets de mes aïeuls. » Je me suis pensé in petto que le broc venait de faire une magnifique affaire !
J'ai commencé par la maison, du grenier à la cuisine. Cela a été assez rapide, rien de notable n'est ressorti. J'ai dû vérifier un point à l'angle d'une cheminée, en soulevant une tomette. Il me fallait casser l'espèce de mortier en dessous pour voir ce qui faisait sonner fortement l'appareil. Mais le pro pointeur me dessinait une barre métallique en renfort de l'assise de la cheminée. Je suis donc allé voir de l'autre côté de la cheminée et j'ai trouvé le même son juste un peu moins puissant. Il ne pouvait s'agir d'une cache, j'ai remis proprement la tomette et le lino fatigué par-dessus et suis passé aux autres pièces. Le jardin et les dépendances m'ont pris plus de temps. Certaines parties étaient improspectables tellement la végétation s'était multipliée. Outre les sempiternelles monnaies sous le fil à linge, point de trouvailles intéressantes, idem pour les dépendances. A signaler simplement que le broc a oublié une petite boite poussiéreuse sur une étagère où la prolifération des toiles d'araignées était impressionnante. La boite comprenait sept flacons métalliques de poudre de chasse. L'étiquette mentionnait 100 grammes pour un franc vingt-cinq, et le bouchon était en liège et se désagrégeait sous les doigts.
Je me suis posé la question de connaitre la date de fabrication mais je n'ai pas trouvé grand-chose sur le net c'est dommage car on avait un prix qui permettait de caler un intéressant comparatif de pouvoir d'achat en fonction de l'année. J'y ai trouvé aussi pour mon plus grand plaisir, des douilles à broches amorcées calibre seize à remplir par le chasseur. De celles que l'on trouve régulièrement en prospection (vous savez avec le petit pointeau sur le côté !), ainsi que des balles de mousquets (petites balles rondes) et trois balles massives en cuivre de très gros formats récupérées on ne sait où et qui sont des ogives pour mitrailleuse lourde, sans connaitre leur diamètre exact, ce sont soit des 12,7 mm pour mitrailleuse Browning soit des 13,2 mm Hotchkiss, les pointes noires indiquent que ce sont des ogives contenant une composition quelconque (traceuse, perforante, incendiaire, etc. à manipuler avec soin car si ce sont des ogives incendiaires, il y a du phosphore dedans !)
Je me suis gardé pour la fin le meilleur morceau : la forge ancienne et le garage qui sont en terre battue... Une très belle salle éclairée par un panneau transparent donnant sur la rue. Le four double est alimenté par deux énormes soufflets (j'ai retrouvé le second dans une remise où ils stockaient le bois). C'est ici que le grand père a passé sa vie.
Un voisin un peu curieux est venu nous dire bonjour et me racontait ses souvenirs quand enfant il dormait dans la maison en face et qu'à 5h30 très précises, le forgeron donnait son premier coup de marteau sur l'enclume... « Ça nous réveillait, on se retournait et on se ré-endormait... »
Vous avez déjà prospecté un sol en terre battue de forge ? C'est l'enfer ! Je n'allais pas labourer toute la surface pour retirer les scories tombées lors des manipulations du forgeron. Je me suis résolu à ne creuser que sur des masses de taille intéressante comme une boite de conserve de un kilo par exemple. J'ai fait chou blanc et je suis donc passé à la dernière pièce accolée à la forge et qui a servi de garage les dernières années. Et là tout de suite mon oeil de prospecteur repère un trou rebouché proprement. Je m'en approche, plante ma main dedans et ne rencontre aucune résistance, je décide de le vider proprement à la main. Je n'ai aucune difficulté pour cela, car la terre est sèche et quasiment sableuse, la paroi verticale d'origine quant à elle est compacte et dure comme de la pierre. C'est ainsi que j'ai pu mettre à jour le trou d'origine de forme carrée très nettement d'une petite trentaine de centimètres et d'une profondeur de trente maxi. Aucun doute, il y avait une boite carrée ici. En plus, elle est sous l'équerre d'une étagère ce qui en fait un bon repère...
Après analyse des remblais que j'ai extraits du trou, j'ai plusieurs indices qui me permettent de penser que ce trou a été rebouché récemment : terre très meuble, bouts de bois sec, plusieurs petits éléments métalliques comme vis et rondelles non rouillées et surtout une petite boite de métal dont le papier indiquant le contenu n'a même pas disparu. Le brocanteur n'a pas fait que vider la maison ce qui était le contrat convenu avec les deux soeurs. Il a aussi passé un détecteur sur les sols et découvert quelque chose. Le plus râlant c'est que l'on ne saura jamais quoi...
Faut pas prendre les brocanteurs pour des idiots... et somme toute, je trouve cela logique, si les propriétaires sont assez naïfs pour leur laisser carte blanche, ils auraient bien tort de se priver de passer un coup de détecteur dans une vieille maison qui le mérite...
La suite dans Monnaies & Détections n° 90
Un an plus tard, je suis de nouveau en vol pour la République dominicaine, l'ile la plus ancienne des Caraïbes conquise par les Espagnols. Je ne suis pas seul, Éric et Daniel m'accompagnent, deux prospecteurs passionné, qui n'ont pas froid aux yeux et qui m'aideront à mieux cerner et chercher sur les sites que j'ai sélectionné avec l'aide de Philippe, un Français vivant sur place et qui va nous servir de guide.
L'année dernière, il m'était resté un goût d'inachevé à mon retour. L'impression que je ne faisais qu'effleurer et passer à côté des bons spots de prospections. C'est la raison pour laquelle je m'étais dit qu'il fallait être plusieurs pour multiplier les chances de trouver quelque chose (la terre est grande !) et de décider d'y prospecter plus longtemps ou de changer de camp...
Dimanche 1 mai, cela fait 36 heures que nous sommes arrivés à la capitale Santo Domingo. Il faut bien cela pour se remettre du décalage horaire et de la fatigue engendrée par le voyage.
Ce matin, direction Las salinas, un site sur lequel je n'ai pas eu le temps de m'attarder l'année dernière et où j'avais trouvé, en moins d'un quart d'heure, une monnaie espagnole de 4 maravédis frappée pour Santo Domingo de 1515 à 1556, soit quelques dizaines d'années après la découverte par Christophe Colomb ! A trois, nous serons à même de voir rapidement si le champ promet de belles trouvailles. Les sacs de détections chargés, on prend la route avec le 4x4 de Philippe qui va rouler environ deux heures pour nous amener à destination, côté mer Caraïbes et ouest de Santo Domingo.
A peine une heure trente que nous roulons et nous voyons Philippe s'inquiéter en disant : « j'ai un bruit » ; quelque chose ne va pas dans le moteur et cinq minutes après celui-ci se coupe définitivement. Je sens le plan galère, on est là pour 15 jours et la voiture nous lâche au premier jour ? Mes deux compagnons sont plus détendus et observent avec le recul nécessaire la situation, ils en rigolent avec humour. Philippe est un homme plein de ressources, son seul défaut : une voiture capricieuse et un sens de la mécanique à peine au-dessus de celui d'une jeune fille nubile passionnée de broderie... Nous sommes néanmoins en République dominicaine et tout est possible.
Alors que je vois ma journée de prospection fondre comme neige au soleil, un local s'approche de nous et après conciliabule va chercher un mécano, bien que l'on soit dimanche. Ici tout est prétexte à faire un peu d'argent. Le mécano revenu, le verdict tombe : fuite dans une durite de la boite de transmission. Mettre une durite ne pose pas de problème, mais trouver les bidons d'huile pour faire le niveau un dimanche parait surréaliste... Et bien non ! Le mécano va trouver le propriétaire du magasin de pièces détachées, lui fait ouvrir la boutique et achète l'huile correspondante...
On repart après une perte minime d'une heure trente. Le soleil est déjà bien haut dans le ciel quand on arrive sur zone, il fait une chaleur épouvantable. On s'équipe de nos appareils, d'un petit sac à dos avec de l'eau et c'est parti pour une prospection dans le champ du maravédis.
Ce champ doit faire une trentaine d'hectares et il est bordé d'une bananeraie sur sa gauche et d'un coteau pierreux sur le fond, assez raide, qui m'avait attiré l'an dernier mais le temps m'avait manqué pour m'en rapprocher. Je compte bien y aller aujourd'hui ! Et en effet je ne m'attarde pas autour de la ruine et avance en prospectant tranquillement vers le fond. Nous ne nous sommes pas concertés et chacun prospecte où il le décide, Daniel restera plus ou moins autour des murs encore debout et éric me rejoindra après une heure de prospection vers la bananeraie.
Qui peut se targuer chez les prospecteurs français de prospecter dans des paysages aussi peu conventionnels en Europe ? D'ailleurs Éric promène sa poêle en disant constamment : « que c'est beau ! c'est super ici. » avec un sourire béat figé sur son visage ! On se dirige vers le fond et je trouverai une pièce de dix cents américaine moderne. C'est vrai qu'ici le dollar a la part belle. Le coteau qui m'avait attiré l'année derrière est quasiment improspectable. Il est inutile de s'y risquer, autant élargir la zone en faisant une incursion dans la bananeraie voisine. éric et moi immortalisons la scène sur pellicule car c'est la première fois que nous prospectons dans une culture pareille. Il est déjà deux heures de l'après-midi, nous serons restés une heure trente à prospecter dans des conditions de chaleur épouvantable.
On préfère s'arrêter et profiter un peu de ce pays, la plage et un poisson grillé nous attendent à dix minutes d'ici et les trouvailles ne sont pas fameuses. Attablés, une bière fraiche devant nous, on fait le décompte de nos trouvailles. Daniel a sorti deux pièces de 4 maravédis et une de 2 maravédis, quelques monnaies modernes et les incontournables déchets habituels. éric n'a pas fait grand-chose, tout ébloui de sa première prospection dans les Caraïbes et moi j'ai fait une autre monnaie de 4 maravédis et deux ou trois modernes correspondant au pays. Tous les maravédis sont sortis aux alentours immédiats de la bâtisse ancienne... la journée n'est pas finie mais le repas se termine vers les 16 h, la flemme nous gagne. La prospection a trois nous donne un capital de 4h30 de recherche, ce n'est plus la peine de s'attarder sur ce spot, ce qui en sort ne nous fait pas rêver.
Le retour sera encore une péripétie de plus : la voiture retombe en panne presque au même endroit qu'à l'aller... Philippe se fait donc amener par un local, qui vient proposer son service, chez le mécano du matin et il le trouve dans un bar en train de se détendre... La scène suivante nous est racontée par le guide car nous sommes restés dans la voiture sous des trombes d'eau :
« Quand il m'a vu arriver il a fait la gueule et j'ai tout de suite senti qu'il n'avait pas l'intention de bouger. Alors je lui ai raconté un bobard : que vous étiez trois flics français qui enquêtaient sur une affaire dont je ne pouvais parler. Qu'il était responsable de sa réparation et que cela pouvait aller loin dans les problèmes à venir. Il m'a finalement suivi... » Et la vue du mécano allongé sous la voiture dans des rigoles d'eau, car il pleut à torrent, est un moment mémorable ! Il s'agissait encore de la durite dont le collier était mal serré... On aura passé une heure trente de plus à attendre... Le soir le lit nous tendait les bras avec insistance !
Le lendemain, sept heures de route nous attendent car nous montons sur la côte nord à Punta Runcia, petit village de pêcheurs dans une belle baie. Il y a une pointe rocheuse en bord de mer dont les grottes et abris sous roches nous paraissent potentiellement intéressants.
En fait après une première ballade pour repérer, on se rend compte que le littoral sur plusieurs kilomètres possède une barre rocheuse qui en est littéralement truffée. Il y a du boulot en perspective !
C'est un principe acquis en prospection, quand un spot vous excite et que vous sentez du potentiel, il y a toujours le revers de la médaille... En l'occurrence, les Dominicains n'ont pas le même rapport à la nature que la plupart des pays. Ils jettent tout là où ils se trouvent et n'ont aucun respect de la nature, cela fait partie de leurs us et coutumes. Les plus belles grottes, vastes et profondes, lieux d'enfouissages idéaux pour un pirate ou corsaire un peu pressé, sont remplies d'immondices, vestiges de piques-niques réguliers sur la plage. Les capsules de bières, tirettes et autres canettes jonchent le sol à un point qu'il est recouvert à certains endroits. On n'est pas ici pour faire du nettoyage alors on se rabat sur les endroits plus propres.
Nous sommes trois et on s'égaye comme des moineaux, chacun dans son nid. On se rend compte dans la matinée que la plupart des grottes un peu larges ont toutes un trou béant creusé de la main de l'homme en leur centre. L'explication est simple : des « buscadores de tesoro » sont venus creuser au petit bonheur la chance dans les grottes, en espérant tomber sur un trésor... Apparemment ils visaient le gros coffre bardé de fer du pirate, nous, on est plutôt sur les petits dépôts en catimini d'un marin qui doit repasser le récupérer.
Comme on prend un petit déjeuner copieux, on prospecte sans discontinuer et jusqu'à ce que la fatigue et la faim nous rattrape et on s'arrête aux environs de 3 h de l'après-midi. Le temps de rentrer, de se baigner, se doucher et reposer c'est déjà l'heure de l'apéro !
Ces trois jours de prospections nous auront permis de mieux cerner l'histoire de ce pays. Grâce à nos trouvailles, peu nombreuses mais régulières, des douilles de canons de 20 et des douilles de 12.7, on apprendra ainsi qu'en 1959, la révolution cubaine a armé et entrainé des révolutionnaires dominicains pour prendre le pouvoir et qu'ils ont débarqué juste là où nous prospections ! Ils ont pris une grosse déculottée et ont été rejetés à la mer. D'où les douilles exhumées par nous. On se disait bien que pour chasser le crabe de terre c'était un peu gros comme calibre !
Le bilan de ces trois journées, si on ne parle que de trouvailles, est peu glorieux : une monnaie espagnole argent de 1793, une dizaine de monnaies modernes sans aucun intérêt, une pelle abandonnée dans une grotte qui a dû servir justement à chercher, et trois pointes quadrangulaires en bronze que nous n'avons pu identifier et trouvées par Eric qui s'est essayé une journée sur la plage.
Si on parle en souvenir et expérience, c'est magique ! Cadre magnifique, dépaysement complet, isolation totale (nous n'avons rencontré personne pendant trois jours), sans oublier les moustiques et les yen-yens qui ne nous laissaient aucun répit ! A tel point que le deuxième jour, on emmenait chacun notre répulsif dans notre sac car la sueur l'éliminait trop vite et toutes les heures quand les moustiques nous collaient de trop près, hop ! un petit coup de répulsif ! Eric se souviendra de sa première journée de prospection en short malgré mes conseils.
On est là pour se faire plaisir, la journée suivante c'est farniente ! Daniel se repose et éric et moi allons passer quelques heures sur un ilot de sable à quelques milles au large avant la barrière de corail. Chaque jour une centaine de touristes vient s'y baigner. L'ilot est petit et la concentration est donc importante, je prends un prototype sous-marin que j'ai amené pour l'essayer sur place.
Je passerais trois heures dans l'eau avec masque et tuba pour ne trouver que des capsules, tirettes, monnaies en pesos ou quart de dollars et deux ou trois bijoux de pacotilles. Mon idée est que le sable est d'assez gros diamètre, on s'enfonce facilement même dans l'eau et l'or doit descendre très vite. Je ne trouve rien la première heure alors je change de technique et fait les bordures où le sable cède la place aux roches et très vite les premiers sons de monnaies arrivent. C'est sur cette configuration que je trouverai systématiquement, jamais dans le sable plein, sauf perte très récente... ma première impression s'est donc confirmée.
Le premier village qu'a créé Christophe Colomb se trouve à une soixantaine de kilomètres : La Isabella en 1493. Ce sont du coup les vestiges archéologiques les plus anciens après l'art précolombien. Nous décidons de faire un peu de tourisme et d'aller voir cela. Au cas où, on prend les détecteurs. Notre guide ignore ce coin et n'a jamais pris cette route. Route est un grand mot, on est hors du circuit touristique traditionnel et même s'il y a un petit musée La Isabella n'est pas fréquentée par les touristes.
Notre piste s'arrête devant une belle rivière que l'on doit passer à gué. La première fois, l'impression est étonnante car on ne voit pas le fond et on se pose des questions naturellement ! Mais les locaux nous rassurent et on traverse 150 mètres de gué avec le 4x4 sans problèmes.
Arrivés à El Castillo, à La Isabella, on découvre le village de Christophe Colomb sauf que ce sont uniquement des pierres disposées au sol pour visualiser les maisons qui étaient présentes. ça sent la reconstitution à plein nez. Un guide local nous donnera le pourquoi de la chose. Dans les années 70, le président a donné l'ordre de nettoyer le site pour développer le tourisme et ceci a été pris à la lettre par ceux qui étaient chargés de ce travail. Ils ont tout défoncé au bulldozer et jeté les gravats à l'eau... Néanmoins un petit musée a été constitué avec les différentes fouilles faites depuis et le guide était très content de nous montrer des médailles en vitrine qui étaient en fait des bouterolles... Y a du progrès à faire... On mange sur place puis, instruits par les dires du guide, nous passerons l'après-midi à prospecter une plage et les bords d'un lit de rivière asséché qui à l'époque de Christophe Colomb était le lit d'origine où il abritait ses bateaux. De la plage où nous prospections on voyait très bien le Castillo à quelques centaines de mètres mais aucune trouvaille ne vint nous conforter et le bord de la rivière donna une bague en cuivre d'époque et beaucoup de plomb et de clous. Il devait y avoir une espèce de chantier pour les bateaux à ce niveau-là.
Changement de décor le jour suivant : on se rapproche de la frontière haïtienne nord pour prospecter près de Monté Christi. Le Guide nous a appâté avec cette ville qui servait de port refuge avec sa baie bien abritée protégée par une pointe rocheuse très haute sur laquelle un grand plateau nous permet éventuellement de surveiller les côtes des deux côtés. Toute la journée, nous serons sous des trombes d'eau tombées du ciel. Une dépression traverse l'ile et nous trempe jusqu'aux os. La minéralisation extrême du site perturbe nos appareils, on s'est séparé en deux groupes et seul Daniel, sous des abats d'eau, a sorti un petit médaillon en argent et une boite enterrée avec des hameçons de pêche à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer !
Notre périple touche bientôt à sa fin, avant de retourner vers la capitale, en discutant avec les Dominicains on a appris qu'il y a avait un cimetière tainos pas loin. Les Tainos sont la peuplade qui vivait sur l'ile avant l'arrivée de Christophe Colomb.
Un jeune gars nous propose de nous y amener. Nous le suivons mais nous ne prenons pas nos détecteurs. Il s'agit juste de curiosité pour voir à quoi cela ressemble. Il s'agit d'un plateau dans un paysage de coteaux vallonnés qui est la réplique d'un Verdun en miniature ! Des trous béants, des monticules de terres se chevauchent sur le plateau. Des fouilles sauvages ont été faites ici depuis des dizaines et des dizaines d'années. Seuls vestiges subsistants, des monceaux de coquilles d'huitres qui signalaient les tombes à l'origine. La curiosité nous prend de creuser au hasard et on tombera systématiquement sur des morceaux de poteries tainos, même une hache polie en pierre mais brisée par de précédents chercheurs qui ne s'encombraient pas de précautions quand ils creusaient.
Nous repartons sur la côte sud et à l'est de Santo Domingo dans une ville de bord de mer qui s'appelle Bahiahibes ; sept heures de route nous attendent pour revenir vers la civilisation. Cela parle italien de tous les côtés, car il s'agit du coin où se sont regroupés la plupart des Italiens, dans le même cas de figure que les Français à las Terenas...
Ce n'est plus la même ambiance, il y a des touristes et du monde partout. Je préfère sans hésitation le cadre sauvage où nous étions précédemment. Il s'agit pour nous d'aller fouiller encore des grottes dans un parc national et une heure de marche nous est nécessaire pour y arriver. Nous espérons que le fait de devoir marcher pour accéder aux cavités aura protégé celles-ci des pique-niqueurs qui abandonnent leurs déchets dans la nature. Ce sera notre dernière prospection avant de repartir définitivement. En route ! La falaise au loin nous attend.
Tout de suite la chaleur est accablante, les sacs à dos sont pleins et on se demande si on a pris assez d'eau pour la journée. Le chemin suit le bord de la mer en le surplombant d'une bonne dizaine de mètres mais on ne découvre aucun sentier qui s'enfoncerait dans la jungle en direction de la falaise. Après avoir tourné et fouiné on se décide à couper court à travers la végétation et à tracer droit, enfin droit c'est impossible c'est trop touffu et nous avons du mal à passer avec les sacs.
Enfin nous arrivons sur une première paroi rocheuse et même le sol est truffé comme un gruyère, il s'agit de trous naturels dans la roche qui nous supporte. La végétation est dense mais dès que l'on se rapproche des parois, on retrouve nos habituels abris sous roches dénués d'herbe où la prospection est facilitée. Comme la dernière fois, on s'égaille chacun de son côté. Après avoir prospecté sans réponse deux ou trois abris, j'avise un passage qui me permet de monter au-dessus de cette première paroi. L'escalade avec sac à dos et détecteur en main n'est jamais aisé mais j'y parviens quand même pour découvrir au-dessus de ce premier niveau la même condition de terrain : une autre paroi rocheuse avec les mêmes trous. Je pressens, au décalage de paysage audessus, qu'il y a d'autres niveaux identiques.
Nous prospecterons quatre heures sans interruption, répulsif en main, Daniel et moi piqué par une espèce de guêpe dont la brûlure est extrêmement intense. Vers la fin du périple, fatigué je m'appuierai distraitement contre un arbre avec la main pour me reposer et me percerai la main avec des épines très dures érigées sur toute la longueur du tronc.
Éric perdra son pro-pointeur dans la végétation, et mis à contribution tous les trois, nous finirons par le retrouver. On a fait des dizaines et des dizaines de caches potentielles et c'est encore Daniel qui sortira le plus bel objet sur le chemin du retour : une applique en bronze du XVIe siècle avec un motif floral gravé et ajouré dans la partie supérieure. Pour ma part, je me contenterai de deux balles de mousquets et de deux ou trois bouts de bronze informes et éric aura fait chou blanc. Ce sera la prospection la plus éreintante de notre séjour. Nos tee-shirts sont collés par la sueur, et nous trainons des pieds sur le chemin du retour. Chemin qui existait bien pour aller au pied de la première paroi mais que nous ne pouvions trouver car il arrivait à une autre portion du chemin principal que nous n'avions pas emprunté...
Après une bonne nuit de sommeil et un copieux repas je décide d'utiliser à nouveau le prototype sous-marin pour faire un peu d'or sur cette plage à touriste où nous résidons actuellement ; je m'équipe sur le sable avec mes petites palmes de piscine, mon masque de plongée, mon tuba et le détecteur plus le pro-pointeur AT. Ha, zut ! J'ai oublié la ficelle qui me permet d'attacher le propointeur et ma petite pelle wilcox. Ce n'est pas grave, je les mets dans les poches profondes de mon short et cela ira. Tu parles, un quart d'heure après avoir sorti ma première monnaie, au second son je vais pour utiliser le pro-pointeur, et je me rends compte qu'il est tombé de ma poche. Je suis dans un mètre cinquante d'eau, il y a des vagues et une visibilité très moyenne. De plus il y a des baigneurs. Je le chercherai une heure sans jamais remettre la main dessus, probablement ramassé par un touriste équipé d'un masque... Tant pis, je continue et je sortirai une bague en argent et un pendant d'oreille en or. Je m'arrêterai sur cette dernière trouvaille car le pro-pointeur me manque et me rendait de grands services dans l'eau de mer pour m'éviter de creuser trop longtemps.
J'avais mis une belle technique au point, je faisais mon trou, je repassais le disque qui me confirmait que la cible était encore dans le trou, et là pendant que le trou se remplissait naturellement de sable je plantais le propointeur allumé dedans et touillais comme si je remuais de la soupe. Une fois sur deux il vibrait et je plongeais ma main au bout du propointeur à l'aveugle et sortais immanquablement ma cible.
C'est sur cette dernière trouvaille somme toute extrêmement modeste que s'est terminé mon deuxième raid en République dominicaine. L'aventure a été au rendez-vous même si nous n'avons rien trouvé de fantastique mais l'important c'est le plaisir qu'on y prend et ce ne sont pas mes deux compagnons qui me contrediront. Pour paraphraser l'un deux : « dépaysement complet et grande bouffée d'oxygène pour les mois à venir ! »
La suite dans Monnaies & Détections n° 89
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La suite dans Monnaies & Détections n° 83
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La suite dans Monnaies & Détections n° 73
« Bonjour Monsieur, vous avez du minelab X terra 705 ? oui,, bon je vous en prend cinquante ! » C'est comme cela que tout a débuté et que quelques semaines plus tard, je prospectais en pleine brousse africaine à la recherche de belles pépites d'or natif...
La suite dans Monnaies & Détections n° 65
Le déplacement prévu est long ; Toulouse-Madrid-Lima-Cuzco, à peu près trente-six heures d’avion en comptant les inévitables attentes aux escales. J’ai le temps pendant la traversée de l’Atlantique de me préparer à ce qui m’attend sur place. Mon contact, Jésus, vit à Cuzco depuis 17 ou 18 ans. Il s’est spécialisé dans la recherche trésoraire dans les maisons anciennes de la ville. Cuzco est d’abord le berceau de la civilisation inca, puis une ville marchande prospère après l’installation des colons espagnols. Les demeures coloniales sont chargées d’histoire. Nul doute, selon Jésus, qu’avec l’équipement adéquat, on trouvera au moins un dépôt dans une des nombreuses maisons qu’il a sélectionnées et pour lesquelles il a la bénédiction du propriétaire pour y effectuer des recherches...
La suite dans Monnaies & Détections n° 62